Nous ne nous rendons pas compte à quel point nous sommes forts, jusqu’au moment ou être fort est le seul choix qui nous reste. A un moment, j’aurais pensé tout savoir sur moi-même, mais la vie est une série d’apprentissage continue, et avoir la capacité de toujours se surprendre, même à 35 ans, me redonne de l’espoir.
Il y’a quelques semaines, sous le poids d’un stress qui me semblais insurmontable, mon cerveau a lâché. Je me suis sentie dos au mur face à des attaques incessantes, la situation à la maison a dégénéré, les appels alarmants de ma mère me remplit de culpabilité. J’oublie que je ne suis pas responsable de ses misères et prends la charge mentale de trouver une solution qui arrangera tout le monde.
Au travail ça ne va pas mieux, ma demande d’aménagement au travail est passée aux archives, au lieu de me proposer quoi que ce soit, on me ramène plus de chose à faire. La métaphore d’un plongeur à la cuisine d’un restaurant bondée me vient à l’esprit, je n’ai pas fini de vider mon levier, qu’on me ramène déjà une tonne de vaisselle à nettoyer.
Coté personnel rien de nouveau, ma vie est en stand-by à l’attente qu’une porte s’ouvre, je reste optimiste, je suis les conseils de ma thérapeute : je bois de l’eau, médite, suis le planning que je me suis fixée pour aller mieux, et gérer mon TDAH. De l’extérieur je semblais bien fonctionner, la vie avance, je traverse une mauvaise passe, ça ira mieux demain.
Et d’un coup, rien ne va. Mon corps s’est révolté contre moi : j’ai perdu la tête.
Je ne saurais dire à quel moment exactement le délire a commencé, j’était à la recherche d’un nouvel emploi, et dans mon hyperfocus j’avais apparemment oublié de manger et de dormir. Le troisième jour, et complétement par hasard, la voisine toque à ma porte pour me demander un service, je ne me souviens pas de ce que j’ai pu lui dire, mais ma joue se souvient bien de la gifle qu’elle m’a donnée. Alarmée par mon état, elle prévient mon père qui fait le trajet au milieu de la nuit, il retrouve une Alien complétement désorientée, telle une gamine je lui demande de me chanter les berceuses de mon enfance, afin que je puisse avoir un peu de sommeil.
Le lendemain je suis admise aux urgences psychiatriques d’une clinique privée, aux apparences chics et élitistes, je passe l’une des pires nuits de ma vie. Je finie attachée par force à un lit dans une chambre blanche sans fenêtre, la porte fermée à clé, je perds mon humanité. Je ne saurais dire ce qui s’est passé cette nuit-là, je ne suis pas sûre que les cris autour de moi étaient d’autres patients ou le fruit de mon imagination. Mais je réagissais à chacun d’entre eux. Offrant soutient et compassion pour certains, me bouchant les oreilles pour d’autres, et chantant à tue-tête Zombies des Cramberries.
À un moment je suis ma mère, je me donne naissance, me détacher de ma mère nous effraient toutes les deux, une maman qui s’inquiète pour son bébé, et un bébé qui ne comprends pas que sa mère n’est pas une partie de lui, et la séparation le tétanise.
Je suis mon père, écroulé sous la pression de sa famille, à la recherche de son identité, de la virilité qu’il doit démontrer et imposer à ma mère.
Je suis mon frère autiste, qui ignore comment naviguer le monde.
Je suis ma sœur divorcée avec un enfant, elle a fui un mari narcissique pour retrouver notre mère narcissique, portant le poids de la société et la charge d’élever un fils loin des souffrances qu’elle a subi.
Je suis tout le monde, sauf moi-même, cette nuit-là j’ai perdue trace de qui je suis. Il était facile de lâcher prise et me laisser perdre à jamais. Revenir des limbes de la folie me semble impossible, j’avais perdu mon chemin. Être saine d’esprit ne valait plus la peine, être en vie ne valait plus la peine, j’aurai accepté volontiers de disparaitre et de finir cette souffrance.
Mais au fond de l’obscurité une chose improbable s’est produite, une force dont j’ignorais l’existence s’est manifestée, je ne me ferai pas abattre, je me suis accrochée à la vie et la raison comme une déchainée. Ma vie commence à peine, je reprends finalement les reines de ma destinée, et là je suis censée les abandonner ? je vous emmerde. Je serai plus forte et je ne me laisserai pas m’abattre, je m’accroche à cet espoir et je refais surface des eaux troubles qui m’ont engloutie.
Mon incident remonte à quelques semaines maintenant, je reprends vie un jour à la fois et j’essaie d’aller mieux. Cet épisode m’a permis de refaire le tri dans mes relations et connaitre mes vrais alliés. Je prends soin de moi et je choisi mes batailles, je ne suis pas responsable de la misère du monde. Pour moi, il a fallu que subconscient éjecte tout ce qui ne m’appartenait pas, toutes les voix qui dictais mes pensées et agissement étaient juste mises à la porte, pour que je sois enfin libre de faire mes choix, et de choisir ma destinée.