Cet article me fut plus difficile que les autres à écrire, pour la simple raison qu’il met le doigt sur un sujet très sensible, ma vision sur moi-même, j’ai attendu d’avoir un diagnostic avant de l’écrire, genre une légitimité avant de proclamer quoi que ce soit.
Le billant est tombé, je souffre de trouble de déficit de l’attention et/ou hyperactivité ou TDA/H, un trouble qui fait de moi officiellement une neuroatypique, une personne dont le cerveau ne fonctionne pas de la manière habituelle.
Je me suis toujours sentie différente du monde autour de moi, aussi longtemps que je puisse me souvenir le sentiment d’être en décalage avec la société était mon plus fidèle compagnon, j’avais dépensé tellement de temps et d’énergie en essayant de m’adapter et me refaçonner pour suivre « la norme », aujourd’hui je peux finalement accepter que ça ne sera jamais le cas, et tant mieux, je peux intégrer à ma personne tout ce qui la rend unique. Je peux aujourd’hui envoyer la société se balader avec ses normes et ses standards. Je suis différente, et c’est un pouvoir et non un handicap.
Je ne pourrai jamais expliquer en quoi exactement je suis différente, car je n’ai jamais vraiment compris ce qu’être normale voulais vraiment dire, je suis simplement moi. Au cours d’une conversation avec une autre personne, mon cerveau diverge sur une centaine d’autres sujets plus au moins relatifs à la discussion en cours, avec une aisance à réintégrer la conversation à des points différents avec une nouvelle approche et de nouveaux points de vue. J’ai une imagination tellement débordante, que malgré toutes les souffrances psychologiques que j’ai subis enfant, mon imagination était un refuge pour moi. Je pouvais créer une centaine de scénarios différents et m’inventais des histoires qui allégeais ma solitude.
J’avais en revanche du mal à l’école lors de certains cours, si je ne m’intéressais pas au sujet ou si l’approche de l’enseignant ne me convenais pas, mon esprit divaguais dans un futur lointain ou une dimension parallèle ou les animaux parlais, ou l’homme vivais sous l’eau au lieu de la surface …etc.
Mais si cependant un sujet m’intéressait, j’étais alors comme absorbée par un puissant courant qui m’emmène de force toujours plus profond et toujours plus fort, je ne mange, dort et respire que ma passion qui me consume jusqu’au plus point, j’aimais ces moments où je pouvais oublier de manger et de dormir à force de faire un truc qui me fasse vibrer. Ma soif de connaitre tous les aspects ou toutes les facette de l’objet de ma fascination était insatiable, jusqu’à ce que je m’en lasse finalement et part à la recherche de nouvelles passions.
Si je devais choisir un mot pour décrire ma vie, le seul qui lui rendra vraiment justice sera « chaotique ». J’avais toujours trouvé très difficile de mettre en place des routines et de les respecter assez longtemps pour qu’elles deviennent des habitudes. Je me rends compte que j’étais beaucoup trop dure envers moi-même pour ça, être incapable d’instaurer des routines ou de les respecter faisais partie des handicapes que ramène le TDAH, maintenant après mon diagnostic je suis plus indulgente envers moi-même, j’apprends à comprendre le mode de fonctionnement de mon cerveau, au lieu de vouloir le forcer à suivre un schéma plus adapté à un cerveau neurotypique.
Le dernier volet sera l’hyperactivité, ou mon incapacité absolue à me tenir en place, les gens qui me connaissent de près savent que je n’arrête pas de gigoter : me balancer sur ma chaise au boulot, jouer avec mes mains, gribouiller sur les bords de mes pages. Une facette du TDAH qui rendait ma mère complètement folle (je la suspecte de l’avoir aussi au passage, j’en parlerai peut-être dans un autre article). Elle avait conclu qu’elle voulait une fille calme et obéissante, et dans mon besoin d’avoir son amour et son acceptation, que je n’aurais jamais d’ailleurs, j’avais honte de qui j’étais, pour mes résultats plutôt moyens à l’école (alors que j’étais assez intelligente), de ma maladresse (je cassais beaucoup de choses dû à mon inattention), ma manière de rêvasser quand je me désintéressais par rapport au sujet de la conversation autour de moi. Aujourd’hui je comprends que ma différence fait autant partie de mon identité, que n’importe quelle autre facette, et j’avais tellement tort de vouloir la changer. Je me rends compte de mon besoin maladif de vouloir m’intégrer me freinais au lieu de me laisser explorer et exploiter mon potentiel. Alors aujourd’hui j’emmerde la normalité, je suis neuroatypique et je l’accepte.